Cabo. I-VIII (livre d'artiste)

Que nous reste t-il d’un lieu qui nous manque ?

Incapacité de raconter la puissance et l’émerveillement d’un lieu rencontré.
Souvenirs flous. Traces qui nous métamorphosent.

Comment le « je » se transforme au retour d’un voyage, pour devenir pluriel.

Cabo. raconte à travers une série de correspondances, la relation intime au voyage et la solitude du retour.

Ce livre d’artiste qui se compose de 8 planches double-page et d’un étui, a été réalisé en utilisant des techniques mixtes (photographie, collage, monotype, dorure, teintures végétales, suminagashi).

Les papiers ont été réalisés à la main par l’artiste, à l’exception des photographies imprimées en encres pigmentaires sur du washi artisanal et le collage suminagashi sur papier vergé.

Étui et couverture des planches en papier Népalais.
Planches sur papier Fabriano Rosaspina.

Exemplaire unique.
Collection Les villes qui nous traversent...

J’accours vers le vertige des dunes, sables invisibles qui s’enracinent au sol de feu.

Cabo,

Je vais bien.

Chaque jour je pense à retourner te voir.
Je ne crois pas te l’avoir déjà dit,
II y a le silence et tes voix dont tu m’as remplie.

Chaque jour je te le dis, j’aimerais que tu m’accompagnes.

Je te montrerais où j’habite et tu me prendrais par la main.
Le silence et tes voix.

Tu sais désormais où je demeure.

Cabo,

Je sais qu’il y en aura d’autres après toi.
J’apprendrai à les aimer,
À sentir leur grain sur ma peau,
À reconnaître leur odeur, mordant leur chair à chaque caresse.
Il y en aura d’autres Cabo qui me laisseront parcourir leur souvenirs,
Contempler leurs émotions,
Pleurer à en fendre leur vent,
Ne doute jamais que je penserai toujours à toi Cabo,
Pourtant, il y en aura d’autres qui viendront fixer leur encre dans mes veines.

Cabo,

J’ai marché. Beaucoup. Lentement.
Quel plaisir !

Il manquait le sable et l’eau, le vent et la lune, une lumière bleue dans l’océan,

J’ai marché encore et encore, retrouvé le silence, arpenté le temps, tendre l’oreille aux récits, interroger les mystères,

J’ai marché. Beaucoup. Lentement.
Jamais lassé par les rues, le bruit, l’impatience,

Il suffit de marcher.
Juste une fois. Pour comprendre.

Cabo,

J’aime ces moments égoïste où je ne pense qu’à toi,
Où mon ultime quête et celle de retrouver ton immensité,
Dispersée, fébrile mais enchanteur de silence, d’écriture, de rêve et de solitude.
Avec toi je n’ai plus jamais froid, jamais peur, éprouvée par les autres. Jamais.

Cabo,

J’ai failli m’y perdre, un jour de grande soif,
Une grande marche, trop longue cette fois,
Un jour de grande soif dans ton désert, corps trop lourd, une distance de trop,
Une empreinte vertigineuse, effrayante.
J’ai marché, soleil de plomb, sèche,
J’ai failli m’y perdre et j’ai revu tes eaux derrières tes dunes,
Quelques vies sur le sable, une nourriture et de l’eau,
Quelques sourires, une autre langue, une bienveillance,
J’ai failli m’y perdre et j’étais heureuse.

Cabo,

J’ai appris et je sais,
J’apprends à remuer la terre,
À ramasser mes os,
À contempler les vides,
À verser de l’eau dans mes poches.
J’ai inventé des récits et j’ai appris.
J’ai inventé une vie et j’apprends très lentement à l’observer,
Défaire la fureur,
Redevenir authentiquement sauvage.
J’apprends, je vacille, toi, de loin, toujours à mes côtés.

Cabo,

Des hivers se sont glissés entre mes souvenirs et ta peau,
J’ai oublié de me blottir contre ton souffle,
J’ai laissé des querelles me fracasser,
Toi qui étais à l’écoute de chaque frémissement de mon corps,
J’ai laissé des cris de pluie nous séparer.

Je t’ai oubliée. Ne m’en veux pas.

Cabo,

Je me sens mal. Une tristesse.
Peut-être même plusieurs,
J’ai du mal à parler de toi. Tout est déformé.
Une amie aimerait te rencontrer ;
voir tes lunes et tes jaunes, être certaine que tu existes,
Pourquoi t’ai-je quittée si j’étais si bien avec toi, me demande t-elle,
Qu’est-ce que je dois lui répondre Cabo?

J’ai plusieurs tristesses, dont celle de ne pouvoir te raconter.